Résumé analytique
Le débat sur la migration et le développement est passé plusieurs fois d’une extrémité à l’autre : optimisme développementaliste dans les années 1950 et 1960, pessimisme néo-marxiste au cours des années 1970 et 1980, évolution vers des perspectives plus nuancées et pluralistes dans les années 1990. Cette analyse soutient que ces évolutions du débat sur la migration et le développement doivent avant tout être appréhendées dans le cadre de changements paradigmatiques plus généraux en matière de théorie sociale et développementale. Toutefois, les données empiriques, en révélant l’hétérogénéité des impacts de la migration, viennent remettre en question cette opposition classique entre perspectives optimistes et pessimistes. En intégrant et révisant les contributions de la nouvelle économie des migrations de travail, des analyses des moyens de subsistance (livelihood) issues des études du développement et des perspectives transnationales issues des études de la migration (qui partagent toutes plusieurs bases conceptuelles communes, demeurant à ce jour inobservées), cette analyse dresse les contours d’un cadre conceptuel qui intègre simultanément les perspectives structurelles et les questions relatives à l’agencéité (agency). En conséquence, ce cadre permet de prendre en compte l’hétérogénéité des interactions entre migration et développement. Par là-même, il révèle la naïveté des récentes perspectives qui associent la migration à un développement « par le bas », basé sur l’auto-assistance. Ces perspectives sont principalement le fruit d’une posture idéologique qui fait peu de cas des contraintes structurelles et du rôle crucial des États, qui doivent mettre en place les conditions propices pour que la migration se traduise par des impacts développementaux positifs.